Avril 1989, Washington, D.C.

Bureaux de la National Security Agency

 

Harold Gans arpentait la pièce, caressant sa barbe soigneusement taillée tandis qu'il se concentrait. Il leva les yeux vers l'horloge fournie par le gouvernement et mis sa main en coupe derrière sa barbe. Encore cinq minutes, pensa-t-il, ou dix, et l'ordinateur lancé à la maison aurait terminé son analyse. Les nombreux projets avec lesquels il jonglait ici au travail étaient tous passés au second plan. Peu importait, comme se plaisaient à le répéter en toutes occasions ses très sérieux collègues de Foggy Bottom, que "de notre travail dépend la destinée d'hommes et de nations". Il espérait seulement qu'aucune des crises habituelles ne surviendrait durant la prochaine demi-heure pour le détourner de la conclusion de son projet privé, qui était à ses yeux beaucoup plus conséquent.

     Gans était un mathématicien cryptanalyste confirmé, attaché au Département de la Défense américaine (NSA), héritage d'une longue tradition de prouesses techniques élaborées en coulisses, qui commença avec le projet Manhattan. Aujourd'hui, pourtant, il n'attendait pas une analyse pondue par l'un des super-ordinateurs Cray branchés en parallèle, que l'Agence possédait en abondance. Il attendait un appel de sa femme, qui devait lui communiquer simplement un nombre, qui serait peut-être, mais probablement pas, un petit nombre, le résultat final d'un calcul ininterrompu de dix-neuf jours, qu'il avait programmé dans un modeste ordinateur de bureau 386 qu'il gardait à la maison. Si ce nombre était en fait suffisamment petit, il confirmerait l'affirmation délirante: qu'à la fin des années 80, une équipe de scientifiques israëliens avait trouvé encodé dans l'ancien texte hébreu de la Genèse, des détails de la vie de personnages contemporains. En bref, lui, et les Israëliens avant lui, auraient démontré, en utilisant les méthodes scientifiques les plus rigoureuses qui soient, qu'il existe vraiment un Dieu, et que celui-ci serait le véritable auteur de la Bible. Il n'y aurait simplement aucune autre explication. Mais telle n'en serait pas l'issue, bien sur; l'affirmation était au mieux un truc de conte de fée, plus probablement une simple erreur, que sa réplication soigneusement construite était sur le point de démontrer.

     Les déclarations des scientifiques israëliens étaient ridicules, "fantasques", comme il l'avait une fois servi au reporter d'un magazine religieusement orienté. Il avait expressément conçu cette expérimentation pour ce travail unique, dans le but de confirmer, pour sa propre satisfaction et celle de tout un chacun l'absurdité des résultats d'origine. Ceux-ci prétendaient démontrer que des informations hautement spécifiques de l'ère contemporaine, bien longtemps après la rédaction de la Bible, même par le calcul de sceptiques, se trouvaient encodées dans la Genèse.

Malgré leur absurdité, les "découvertes" avaient agité les plus hautes sphères scientifiques de mathématiciens et de statisticiens du monde entier, car les méthodes de recherche utilisées semblaient être du plus haut calibre. Après six années, Persi Diaconis, un statisticien éminent et hautement respecté du Département de Mathématiques d'Harvard, qui avait examiné les travaux, était toujours incapable de trouver la faille qui devait certainement se trouver là quelque part. D'ailleurs, il avait lui-même conçu une méthode extraordinairement élégante pour réanalyser les données des Israëliens à la place de méthodes plus conventionnelles. Mais la faille attendue demeurait introuvable.

     Et puis, ici, au coeur du dispositif de services de renseignements le plus impressionnant qui ait jamais été élaboré par une puissance mondiale, se trouvait Gans: un autre sceptique éminemment qualifié, déterminé a restituer aux sphères académiques de son domaine de prédilection leur calme habituel.

Gans avait installé sa réplication de façon totalement indépendante, en utilisant son propre équipement et ses programmes, en appliquant au jeu de données un éventail de méthodes analytiques afin de les recouper entre elles. Dans son esprit, un résultat négatif était la seule conclusion possible, et le sujet retournerait reposer une fois pour toutes aux oubliettes de la science. Cependant, comme les minutes passaient, il se sentait beaucoup plus nerveux que de raison.

     Le téléphone sonna. Il décrocha rapidement. "Ici Gans". C'était sa femme, Gans ne dit rien. L'horloge, audible dans le calme martelait les secondes alors qu'il écoutait. Un observateur n'aurait remarqué aucune réaction particulière, mais intérieurement, les rouages tournaient avec une précision qui était devenue une deuxième nature dans ses responsabilités au sein du service de renseignements. Un moment après, n'ayant rien dit de plus qu'un affectueux au revoir à sa femme, il replaça le combiné sur son support. Il marcha vers l'une des fenêtres qui donnait sur Washington D.C. L'exceptionnelle solidité du marbre blanc et brillant du Capitol l'avait toujours impressionné, incarnant parfaitement sa prétention de pouvoir, de grandeur, et de permanence. Comme pour beaucoup d'autres jeunes hommes brillants et ambitieux (et maintenant de femmes) avant lui, de telles scènes le fascinaient et le narguaient invariablement, la promesse de grandeur qu'ils offraient semblait toujours se situer au-delà de son propre niveau de réussite. Alors qu'il le regardait ce jour-là, il voyait maintenant qu'il avait changé, ou plutôt, lui-même avait changé. La tangibilité implacable avait basculé, devenue à peine réelle. C'était comme si un rideau avait été levé, et il voyait maintenant les cordes et les poulies qui avaient maintenu une magnifique illusion théâtrale. A sa place, la scène intangible, invisible mais divinement ordonnée qu'il n'avait jamais remarquée auparavant, brillait avec force dans sa réalité et sa permanence resplendissantes. Un sentiment, plutôt inattendu, était en train d'émerger en lui, un sentiment oublié depuis si longtemps, que seulement maintenant, avec sa résurgence, il se souvint l'avoir perdu. Mais il ne pouvait pas encore le nommer.

     Le nombre était beaucoup, beaucoup plus petit que ce qu'il avait jamais imaginé pouvoir être.  Ce n'était presque pas un nombre, une infime fraction. Et cela signifiait que la probabilité que les découvertes des Israeliens soient fausses, ou de simples curiosités du hasard, devenait complètement caduque. Dans toutes ses années d'études, de recherches, et d'investissement professionnel, il n'avait presque jamais vu une valeur p si petite, et il savait qu'aucun autre chercheur sérieux non plus.

De telles certitudes étaient habituellement réservées pour les prédictions évidentes et sans intérêt, n'ayant aucun besoin de confirmation sophistiquée, sans que personne ne daigne s'en formaliser, du genre "le soleil a des chances de se lever demain". Quant à des découvertes nouvelles ou inattendues dans la recherche scientifique, celles-ci sont considérées suffisamment "vraies" si elles génèrent des valeurs p de disons, 1 sur 20. Mais moins de 1 sur 62500? Oui; le sentiment qui s'élevait en lui, et le surprenait, était simplement de la joie.

Prologue du livre du Docteur Jeffrey Satinover: Cracking the Bible code. (Traduit de l'Anglais)

Même avant la publication, les découvertes émanant de Jerusalem n'avaient pas tardé à se répandre dans le monde. L'Institut Aish Hatorah de Jerusalem organisait régulièrement des séminaires sur les découvertes, et plusieurs chercheurs faisaient des présentations à l'Académie des Sciences d'Israel et dans les milieux universitaires. Cela finit par attirer l'attention de sceptiques de haut calibre, comme le Professeur Andrew Goldfinger, un physicien confirmé de l'Université Johns Hopkins, et le numéro deux du Groupe d'Informatique et de Technologie Spatiale. Harold Gans était un de ses amis proches, tous deux étaient convaincus d'avance que l'expérimentation de WRR devait obligatoirement présenter une faille quelque part. Un cousin de Gans, lui aussi mathématicien lui suggéra de reproduire lui-même l'expérimentation, mais il n'y vit au départ aucun intérêt, "n'importe quoi" pensa-t-il. Puis sur l'insistance de sa femme il accepta finalement de relever le défi. WRR acceptèrent aimablement de lui transmettre le CD des données. Bien qu'il pensait que ces codes étaient "fantasques", il fut néanmoins assez impressionné par la crédibilité des individus qui les avaient découverts et par la sophistication de leurs méthodes, et plus tard, après avoir fait plus ample connaissance, encore davantage par leur honnêteté, leur intégrité et leur humilité.

   C'est ainsi qu'Harold Gans, Mathématicien Cryptanalyste supérieur, "casseur de codes" à la NSA fut impliqué dans les recherches des codes de la Torah: "Je n'y croyais pas, jusqu'à ce que je le voie moi-même."

 

Harold Gans n'en resta pas là, il procéda indépendamment à une autre expérimentation:

Puisque les noms des Grands Sages d'Israel sont encodés dans la Torah avec leur date de naissance ou de mort, recherchons également les villes où ces personnages ont vécu!

Gans prit les noms des deux listes de Grands Sages expérimentées par WRR (la première de 34 noms et la deuxième de 32), soit 66 noms en tout. Il fit correspondre les noms avec les villes de naissance et/ou de mort des Grands Sages, pour les soumettre au même type d'expérimentation que WRR avec les dates de naissance ou de mort, dans leur ELS minimum.

Ce type d'expérimentation pouvait réaliser deux choses:

     D'abord il testait de facto la réalité du phénomène de la première liste de Grands Sages (qui avait été écartée de la publication pour se prémunir de toute manipulation éventuelle des données)

     Ensuite, par cette approche de validation des codes de la Torah, il allait expérimenter tout un nouvel ensemble de paires de mots historiquement corrélés.

Il demanda a Zvi Inbal, un conférencier réputé d'Arachim en Israel, de lui fournir la liste des villes pour la nouvelle expérimentation. Inbal lui procura la liste des villes dans leur transcription hébraïque, avec un résumé du protocole de construction de la liste. La base de donnée pour la liste était issue de la même encyclopédie utilisée par WRR, et de l'Encyclopedia Hebraica. Le texte de la Genèse, la méthode de calcul de la proximité, et la méthode de calcul statistique utilisés étaient exactement les mêmes que WRR.

 

     Les résultats furent stupéfiants, encore plus significatifs que l'expérimentation de WRR, la valeur p était de 1/166.000

 

     Gans venait de confirmer à deux reprises, de façon éclatante la validité du phénomène des codes de la Torah.

 

L'expérimentation de Gans, comme celle de WRR, fit évidemment l'objet d'une sérieuse attaque. McKay et d'autres remirent en question le protocole d'Inbal, prétendant que la liste aurait été manipulée, qu'il y avait des erreurs orthographiques dans la transcription de certaines villes, ce qui invalidait complètement les résultats. Bien entendu, rien ne fut trouvé qui aurait pu suggérer une faille expérimentale. Néanmoins, Gans considéra sérieusement les critiques, il se fit remettre une explication détaillée des règles utilisées dans le protocole d'Inbal pour produire la liste, et vérifia que l'algorithme utilisé s'appliquait de façon purement mécanique pour former une liste historiquement et linguistiquement correcte à partir des deux encyclopédies.

     Il soumit ensuite la liste à un expert indépendant, ayant pour mission de vérifier et éventuellement corriger les erreurs éventuelles en vue d'une nouvelle liste. De nombreux experts en transcription hébraïque furent consultés, en Israel, aux Etats-Unis et en Angleterre, uniquement des experts qui n'avaient eu précédemment aucun contact avec les expérimentations des codes de la Torah. Aucun des experts consultés ne remarqua d'erreur dans les règles de transcription d'Inbal. Cela prit deux ans à Gans pour finaliser cette tâche.

     Une fois que la liste fut corrigée, ils appliquèrent le protocole d'Inbal et comparèrent la nouvelle liste avec l'ancienne; ils notèrent quelques différences. On trouva aussi deux erreurs typographiques dans les encyclopédies, mais Gans et Bombach décidèrent de ne pas les corriger plutôt que de violer le protocole, afin que l'expérimentation reste 100% a priori.

     La nouvelle expérimentation fut lancé et produisit pratiquement la même valeur statistique qu'avec la liste originelle d'Inbal. L'expérimentation fut encore reproduite quelques années plus tard avec davantage de finesse de calcul et donna une valeur p encore améliorée de 1/250.000.

L'article décrivant la nouvelle expérimentation fut présenté à la Conférence de Reconnaissance de Motifs de 2006.

     Ainsi, les attaques des critiques contribuèrent à consolider la validité du phénomène des codes de la Torah. 

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